Le minisphère a reçu il y a quelques jours ce témoignage par courrier. Il nous a touché. Nous le publions en intégralité.
Bonjour,
Il y a quelques semaines, par un jour de pluie, j’écoutais Radio Pays d’Hérault, assise face à mon ordinateur à la conquête du marché du travail, comme presque tous les jours. Je dis « presque » parce que certains jours, je capitule.
Les sons musicaux apaisent souvent la recherche… et parmi ces sons, un reportage est arrivé. Une journaliste présentait un blog des idées reçues des chômeurs. Là, j’ai monté le son, et j’ai écouté. Je ne serais redonner les mots exacts mais je me suis sentie concernée. J’ai consulté votre blog, lu quelques témoignages… mais je n’ai pas su comment vous écrire. Mais aujourd’hui, je sais pas, un déclic. Je ne sais pas si je serais publiée ou pas, mais j’avais envie de vous écrire, pour sans doute avoir l’impression que des gens me comprennent, et me lisent.
Je me présente, je m’appelle Clara, enfin c’est un pseudo, il m’est assez utile. J’aurais 30 ans dans un mois. Je suis au Rsa depuis 9 mois, et avant cela, j’ai été au chômage pendant 323 jours. Je suis diplômée dans le domaine Culturel et, j’ai grande peine à trouver un travail. Je « squatte » donc mon ancienne chambre au sein du cocon familial.
Je dois dire qu’au début, j’avais besoin de cette pause, je ne m’inquiétais pas vraiment de cette période, j’avais connu parfois des moments difficiles mais l’emploi avait toujours été là. Je l’avoue sans complexe, j’ai profité de cette pause pour passer ce fameux permis, et fait un ou deux voyages à l’étranger qui me tenaient à coeur. Mon domaine est génial mais le travail y est précaire, et donc, les vacances c’est généralement pas prévu dans les contrats. J’ai pris le temps de vivre, et de voir ce monde qui me fascine. Puis, il y a eu le retour, l’envie de reprendre une activité, de transmettre, et là, la galère. La crise comme ils disent. Je vous passe les moments de honte quand je suis passée du Chômage au Rsa, les moments de détresse à force de lettres/mails de refus. Mais toujours l’espoir présent, l’utopie de réussir, cette rage à expliquer au gens que NON je ne veux pas un job de merde après 5 années d’études et de stages. Et les rdv Pôle emploi… Oui, ces rendez-vous où à chaque fois l’on m’a dit » vous avez les compétences pour une recherche sans prise en charge de notre part. » Traduisez par « démerde-toi toute seule ma fille ». Oui c’est vrai, je sais faire un CV, une lettre de motivation sans fautes, je sais faire une recherche d’emploi autre que sur le site du Pôle emploi, oui je sais me démerder comme une grande.
Mais voilà, dans quelques mois, cela fera 2 ans que je suis en recherche, et je sens de plus en plus l’épée de Damoclès au dessus de ma tête, cette honte de dire que je suis au RSA, que je vis chez ma mère, que c’est dur financièrement, cette honte d’être trop diplômée et de ne pas avoir de travail. Cela fait quelques semaines que j’ai décroché, impossible de faire une seule candidature, je n’y crois plus. J’ai eu tellement d’espoir: mon conseiller pôle emploi qui me propose de me faire rentrer au pôle emploi, cette association qui m’offre un poste… en bénévole, cet entretien de médiateur dans une grande université de ma région, ou au sein d’une collectivité… et j’en passe.
Bref, plein d’espoir vaincu par ces journalistes qui parlent de nous comme si nous n’étions que des rats, par ces gens bien-pensant qui payent des impôts trop chers à cause de nous, par ces politiciens qui favorisent toujours les mêmes têtes et oublient les diplômés à qui ils avaient offert des bourses, par cette Europe et ses technocrates qui nous considèrent comme des chiffres de statistiques, par ce Monde gouverné par une minorité d’extrêmes riches qui ne savent pas qu’on existe et qu’on souffre tous les jours.
Oui, je suis au RSA, j’en suis honteuse, je pleure tous les jours, parce que je me rends compte que je ne suis pas une fan du capitalisme, de l’économie du j’achète-je jette. Parce que je ne sais pas pourquoi je n’ai pas de travail, et parce que l’excuse « c’est la crise » me casse les C… que je n’ai pas. J’ai trop de ci, ou pas assez de ça, c’est au choix. Il y a peu je me suis dit que j’avais fait de mauvais choix dans mes études, mes jobs, mais non car j’ai lu le témoignage d’une fille de bonne famille qui parle trois langues, diplômée en ingénierie et avec de bons réseaux qui n’avait pas de travail depuis 17 mois. Ahahaha! Je me suis sentie vivante ce jour là.
Moi aussi, j’ai ces journées de 24h devant mon ordinateur à zieuter, écrire, modifier, espérer, sourire, pleurer, rager, haïr; sur cette toile qu’est internet à la recherche de la moindre offre, du moindre contact. Aujourd’hui j’ai même appeler le Pôle emploi parce que je n’en peux plus, j’ai besoin d’aide, et je ne sais plus comment faire. Mais vous savez quoi? Les conseillers qui gèrent les gens dans « votre domaine » ne seront disponibles avant mi-mai… Rdv le 14 mai…
Je voulais témoigner parce qu’aujourd’hui, ça va pas trop, mais surtout parce que j’en ai marre des gens et de leurs jugements, qui confondent ceux qui glandent et ceux qui galèrent! Je voudrais juste leur dire, que moi aussi, je voudrais un job, me lever le matin en me demandant ce que je vais mettre pour sortir, comment je vais gérer telle tâche, qui je vais rendre heureux en transmettant mon savoir, que je voudrais avoir un salaire pour sortir, aller au cinoch’, boire un verre avec des potes sans me restreindre, avoir mon appart’ comme avant, et détester le proprio qui augmente le loyer, hurler devant ma facture d’électricité… et avoir un amoureux, parce que les filles sans emplois ça fait fuir! Je me dis « Courage ma belle ce n’est qu’un mauvais moment à passer » mais il est long, trop.
C’est un peu long, je remercie ceux qui auront eu le courage de lire.
Et je dis courage à tous ceux qui sont dans ma situation.
Merci pour votre blog.
Clara
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Le minisphère est en finale et a besoin de vous
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Pauvre Clara, j'ai lu ton message et il m'a touché car je connais également une personne qui me touche de très près qui est dans ton cas ! Quand je vois ce type d'annonce je suis révoltée. On est en train de briser notre jeunesse.
Clara continue à croire en la vie même si c'est difficile !
Félicitations pour la nomination à la Bob, nous avons déjà vécu cette belle expérience quand nous avons reçu le prix du Meilleur Weblog en espagnol (http://mundoporlibre.com/2010/06/entrega-de-los-premios-bobs-2010.html), est un événement que nous n'oublierons jamais.
Bonne chance.
Bonjour Clara,
Moi aussi votre histoire me touche, d'autant plus que je connais bien votre situation actuelle.
J'ai peut-être une proposition à vous faire. Pouvez-vous me faire parvenir votre CV par e-mail à uko101@hotmail.com ?
Bonjour clara, même situation et même impression d'impuissance! des cv sans réponses…etc etc…courage je crois, courage de quoi je ne sais pas, mais la vie est faite aussi de beau moment et il faut savoir les prendre! Je me dis aussi que je vais trouver!! bravo en tout cas pour tes mots, ils me résonnent comme si c'était les miens.
Bonjour Clara,
votre histoire est triste mais malheureusement trop fréquente. Tout le monde sait que le secteur du culturel n'est pas le meilleur pour trouver un emploi, loin de là. Vous avez fait un choix professionnel du coeur, et non de la raison, vous en payez les conséquences logiques. Je travaille dans un secteur beaucoup moins glamour et n'ai jamais été plus de 15 jours au chômage…
Par exemple, je remplace actuellement une femme en congé maternité diplômée de l'école du Louvre et qui a accepté un job d'assistante administrative après un an de recherches infructueuses dans son secteur. Elle en est très contente, elle a été formée sur le tas, il y a une super ambiance, et elle veut revenir après son congé.
Je vous conseille d'accepter rapidement n'importe quelle offre d'emploi, si possible qui permette d'utiliser en partie vos compétences acquises, et de continuer parallèlement à rechercher des offres dans votre domaine de prédilection. Cela vous permettra d'avoir une rémunération, de vous nourrir, d'être indépendante, de sortir… et surtout de sortir de votre cycle négatif. C'est important pour votre santé psychologique.
Un employeur a malheureusement plus envie de recruter une personne déjà en poste, car cela montre sa détermination et son côté travailleur.
leolo
C'est triste mais malheureusement, il est dur de se rabattre sur d'autres boulots… On voit même des offres "femme de ménage pour 15 jours en interim, une expérience de 3 ans EXIGÉE". Merci, je sais faire le ménage même si je suis pas diplômée agent d'entretien…
Moi je cherche justement en assistante administrative car c'est ma formation mais c'est pas si facile que ça… j'ai même postulé pour distribuer des prospectus, pour commercial, etc., tout ce que je pouvais faire… et non, c'est pas si facile non plus. Ils veulent un diplôme spécifique, des expériences de 3 à 5 ans… plus qu'à faire du bénévolat pendant 5 ans pour justifier d'une expérience et je le ferai si on avait un revenu de base mais non… comme quoi dans notre contexte, le "revenu de base" n'est pas une si mauvaise idée… il n'y a pas assez d'emplois pour tous.
Ma mère travaille dans un secteur "qui ne connait pas la crise", elle a beaucoup de mal à trouver aussi alors qu'elle cherche dans une grande zone géographique et avec 15 ans d'expérience… je cherche aussi pour elle, que des offres en alternance en ce moment, c'est presque discriminatoire cette histoire.
On me disait que si on en voulait vraiment du boulot, on en trouvait… Je n'y crois plus à moins que ça veuille dire d'aller bosser en CDD à 500 km de chez soi et le ventre vide ?